Dans le fauteuil bleu de la Médiathèque Robert Badinter Clohars Carnoët 2015
Photo Nina Jolivet.
Beauté et profondeur d’esprit
par Bruno Geneste
Nous
longeons la laisse de haute mer où les forces errantes d’Ovide nous pénètrent
l’esprit, nous saisissons ici la beauté nue de ce lieu de grande solitude où
les pensées dérivent, acheminent l’homme de l’écume vers des contrées de
bouleversement ontologique. Un creuset alchimique où brûle un feu de jouvence,
d’ivresse de blancheur par lequel le penseur des lisières, cet insurgé se
laisse porter. Il suffit d’un espace ouvert, qui le porte vers des limbes incandescents, pour que
s’élabore en lui des perspectives, des aires de danses, des rivages de hautes
révélations, des visions claires approfondissant à chaque pas notre rapport au
monde. Car la beauté naît de la sévérité, d’une géographie particulière comme
mon expérience océanique dans le sémaphore du Créac’h en juin et juillet 2012
sur l’île d’Ouessant, à l’extrême pointe de l’Armorique. Un jour debout
derrière les vitres de la chambre de veille, j’ai pu mesurer ou du moins sentir
en moi l’ardente braise de la beauté nue et sauvage, cette flamme indocile
brûlant la transparence de l’air de sel. Rituel immuable que cette pointe du
Pern plongée dans une éternité de blancheur qui me saisissait, chaque matin,
derrière les vitres octogonales de l’observatoire. Voilà comment le poète
désapprend, se vide de tous les conditionnements. Il suffit pour cela de
quitter les sentiers trop fréquentés où nul ne se perd, pour des dérives sur
les contours flottants du monde. L’étrange fragilité de la vie avec ses
contraires où tout s’oppose participe à faire surgir dans nos vies des pans
inconnus de notre être, cette région où seul le vent nous pousse à nous
extasier, à glisser peu à peu dans les arcanes de ses lisières fréquentées par
l’homme de l’écume. Il marche, tu marches, nous marchons vers ce qui ne tardera
par à ce conjuguer à la force errante de ces vagues qui se brisent en moi comme
ce lointain de vraquiers, cette nuit et les rumeurs enfouies dans les courroux
dilués dans la lumière du matin. Il fallait donc apprivoiser cette beauté en
approfondissant ce rapport chthoniens au lieu dans ce qu’il porte de plus aigu
et imperceptible, tout ce qui fait de nous des indomptés, des rebelles de la
pensée en cube, bref de cet ennui qui
nous gagne lorsque lorsqu’
« on assiste » à ces rencontres
littéraires pleines d’intrigues et d’intrigants. Sortons de l’étriqué et brisons
la vitre des lieux communs, pour un lieu plus atopique, un non-lieu irrigué par
le merveilleux, un lieu ouvert où se perdent les pas de ces insurgés en quête du sens caché, d’une profondeur
silencieuse que notre modernité réprouve. Ainsi s’ordonnent en nous les
sensations les plus affinées, de celles qui pénètrent loin dans les terres de
l’inconscient et qui labourent nos rêves pour en extraire la quintessence des
perceptions, le poème devenu homme de l’écume sur le sentier des dunes, en
quête de cet instant sublime qu’ André Breton définissait comme un certain point de l’esprit d’où la vie et la
mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et
l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement.
Dernier recueil aux éditions Rafael de Surtis
Avec les compagnons de route
Avec le poète tunisien Tahar Bekri avril 2014, Guidel. (56)
Photo avec le poète Paul Sanda 2011 Moëlan-sur-Mer.
Avec le peintre André Jolivet février 2012 Tarbes.
Avec l'écrivain Emmanuel Loi Médiathèque de Saint Thurien février 2014.
Société des Gens de Lettres novembre 2014 remise à Paul Sanda et moi-même
de la Bourse de création d'avant garde Sarane Alexandrian pour notre manuscrit
"Les surréalistes et la Bretagne, le domaine des enchanteurs"
Avec le poète Kenneth White en 2007.
Avec le poète et géographe québécois Jean Morisset
et le poète scientifique Liam Fauchard
en mars 2011.
Avec l'ami slameur belge Dom Massaut,
ma compagne la comédienne et poète Isabelle Moign. Doëlan 2014.
Chez la poète Jacqueline Saint Jean et Isabelle Moign.
dans le Pyrénéen en février 2012.
Les performance et mise en totem des poèmes.
Avec le collectif les Anges du bizarre mars 2014.
Festival Maelstrom Bruxelles mai 2014
Le blues Sphère à Liège
en tournée avec les Anges du bizarre mai 2014.
A la cabane d'Hippolyte
Photo André Jolivet 2010.
Jam Session avec les musiciens Benjamin Pottel, Alain Subrebost, Gurvan Loudoux
et Eric Ségovia. Centre Culturel L'Ellipse mars 2015.
Electro-Chamanisme et poème en mouvement .
Harpe Andréa Seki
Percutions Catherine Dréau
"Baltique, oiseau de froid"
Contact scène : 06 20 82 82 24.
brunogeneste@wanadoo.fr
Extrait de l'ouvrage, " Les Surréalistes et la Bretagne, le domaine des enchanteurs",
éd. éditinter avril 2015.
Ces lieux
n’ont rien de sacré, ils sont faits de solitude et de vent. Il nous relie au
sens Nietzschéen du terme, à la terre, cette aire de danse où la vie est force
de pénétration du réel jusqu’à atteindre une conscience plus vive. Ces espaces,
où tout ce qui est perçu contradictoirement cesse de l’être, inaugure une
poétique subtile basée sur un rapport singulier à la pensée magique. Ils
manifestent des univers où la mythologie celtique prend la place essentielle.
Ces Hauts Lieux fréquentés par André Breton et ses amis vont des contrées
insulaires de l’Ile de Sein à l’île Ouessant, à des régions plus continentales comme
Le Pouldu, Lorient, Huelgoat, tous lieux légendaires certes, mais surtout plus
loin, lieux de
creusement d’un certain état d’être.
Il faut parfois rechercher ce qui unissait les
surréalistes à la Bretagne dans le paysage breton d’une autre époque. On y
retrouve cette terre première, ce pays oublié dans les brumes gracquiennes,
dénudant brusquement ces invisibles contours. Ces espaces nous acheminent vers
d’autres possibilités de mouvement, ici et maintenant, creusant des puits
insondables dans un obscur lumineux.
Ces étendues, qui portent à l’élévation, et à des changements
progressifs, deviendront pierre d’angle et consolideront
l’édifice surréaliste ainsi enfin désenclavé,
permettant la circulation du merveilleux celtique. Lors d’un
entretien accordé à François-Marie Périer en 2001, Jean Markale dira en regard
de ces sujets : Et ça m'a
rappelé les souvenirs de légende concernant les fées de Brocéliande, car j'ai
passé toutes mes vacances d'enfance dans cette forêt de Brocéliande et j'ai
entendu des histoires fantastiques et je me suis dit que c'étaient des
histoires de bonnes femmes, des petits contes qui n'étaient pas connus en
dehors de la région, et voilà que dans le programme scolaire, je retrouvais ces
héros fantastiques, cette histoire mystérieuse du Saint Graal, et pour moi ça a
déclenché un intérêt accru pour ces légendes et pour l'origine surtout de ces
légendes en essayant d'aller le plus loin possible dans le temps pour découvrir
d'où ça venait. C’est au cœur de la forêt
d’Huelgoat que la quête surréaliste prend toute son amplitude et devient une
force émancipatrice qui libèrera définitivement l’imaginaire. Nous atteignons
ici une dimension archaïque de la pensée de Breton, qui selon Philippe Audoin ne va pas à l’encontre des aspirations
surréalistes. N’a-t-il pas sa transposition dans « le long immense et
raisonné dérèglement de tous les sens » et les images rapportées par les
voyants ne sont-elles pas les épées, les coupes enchantées ? Le poème
surgi au moyen de l’écriture automatique n’est-il pas un objet venu d’ailleurs,
l’irruption du féerique dans le quotidien ?